Vieillissement et adaptation

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L’auteure américaine Edith Wharton a écrit un jour : « En dépit de la maladie, même en dépit du chagrin, ce pire ennemi, une personne PEUT demeurer en vie bien après la date habituelle de la désintégration si elle n’a pas peur du changement, est insatiable de curiosité intellectuelle, s’intéresse aux grandes choses et se réjouit de tout et de rien1 ». Je soupçonne que c’est la dernière de ces conditions qui fait la plus grande différence.

Récemment, lors du 1er anniversaire du décès de mon beau-père à l’âge de 91 ans, je me suis rappelé les sages propos de Wharton au sujet du vieillissement réussi. Même si une part importante des 5 dernières années de sa vie a été assombrie par la COVID-19, qui lui a dérobé durant les premiers mois ses connexions sociales, son accès à la piscine où il nageait au moins 3 fois par semaine et qui a exacerbé certains problèmes de santé chroniques, mon beau-père n’a jamais arrêté de s’adapter.

Lorsque, soudainement, il ne pouvait plus voir sa famille et ses amis en personne, il a rapidement commencé à utiliser Zoom sur son ordinateur et FaceTime sur son téléphone intelligent. Lorsqu’il ne pouvait plus aller à la piscine, il a commandé un vélo couché et un escalier d’entrainement portable et a commencé à faire de l’exercice dans les confins de son appartement. Il a continué à profiter des petites choses de la vie qui lui ont toujours procuré du plaisir, comme échanger des jeux de mots et des blagues de papa par courriel avec ses amis et sa famille. Cependant, de nombreuses personnes plus âgées éprouvent de la difficulté à s’adapter à mesure qu’elles vieillissent, surtout si elles sont affligées par des problèmes de santé qui nuisent à leur mobilité ou à leurs capacités cognitives. Mon beau-père a été très chanceux de préserver son aptitude et sa maîtrise jusqu’à la toute fin de sa vie. De nombreuses personnes ne le font pas.

Dans son livre intitulé Being Mortal : Medicine and What Matters in the End2 en 2014, le chirurgien et auteur américain, le Dr Atul Gawande a brillamment décrit la tension générationnelle entre les baby-boomers vieillissants, leurs enfants adultes et leurs professionnels de la santé : à mesure qu’ils vieillissent, les gens préfèrent rester chez eux, même si ce choix comporte des risques considérables. La plupart des gens préfèrent aussi mourir à domicile. Il s’agit du concept « vieillir chez soi3 ». Or, les enfants adultes et les professionnels de la santé privilégient souvent la sécurité plutôt que l’autonomie individuelle et ses risques afférents.

Ce numéro du Médecin de famille canadien présente 2 articles pour aider les médecins de famille à soutenir les patients et leur famille durant leur adaptation aux changements inhérents au vieillissement. Le premier est un article de Perles gériatriques par le Dr Chris Frank et ses collègues, intitulé « Gérer les risques de vieillir à domicile. Facteurs à considérer pour soutenir les patients adultes plus âgés » (page e238)4. L’article explique une approche structurée et exhaustive pour évaluer les risques à domicile, ce qui mène à les atténuer en fonction des valeurs du patient et de sa famille et de leur tolérance au risque. L’approche de Frank et ses collègues s’inspire du concept de la dignité du risque, une modalité de soins dont l’origine remonte aux années 1970 pour corriger la notion alors prévalente que les personnes atteintes de déficience intellectuelle et développementale sont incapables de prendre des décisions pour elles-mêmes ou de vivre de anière autonome. Comme toujours dans cette série, les lecteurs trouveront l’article à la fois utile et pratique.

Le deuxième article est un commentaire par les Drs Ken Shulman et Sara Mitchell (page 617). Les auteurs font valoir que les médecins de famille devront apprendre comment naviguer dans les dédales compliqués de la détermination de la capacité mentale d’un patient dans le contexte d’un différend juridique. Cette nécessité a pour origine un transfert sans précédent de richesse d’une population vieillissante à une génération plus jeune ayant des familles complexes sous pressions économiques considérables5.

Comme dans l’article par Frank et collègues, Shulman et Mitchell décrivent une approche complète et spécifique à la situation pour évaluer la capacité décisionnelle de patients adultes plus âgés qui peut aider les médecins de famille à établir la sécurité et l’autonomie du patient de sorte que leurs évaluations soient médicalement fiables et juridiquement défendables.

Footnotes

Les opinions exprimées dans les éditoriaux sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles soient sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.

This article is also in English on page 608.

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