Comment puis-je aider mes patients plus âgés à gérer les risques de vivre chez eux à mesure qu’ils vieillissent?
RésultatsLa majorité des Canadiens préfèrent vivre chez eux alors qu’ils vieillissent1,2. Vieillir à domicile peut favoriser l’autonomie et le sentiment de sécurité et de confort, en raison de la familiarité avec l’environnement physique et des relations avec les amis et les voisins3,4. Malheureusement, pour certains patients, en particulier ceux qui vivent avec la fragilité et la déficience cognitive, vieillir à la maison comporte des risques. Un récent article par Nix et ses collègues5 aide à guider les cliniciens et les équipes de soins interdisciplinaires à effectuer des évaluations et des modifications environnementales efficaces et centrées sur le patient.
Données probantesUn sondage réalisé en Colombie-Britannique en 2022 auprès de 489 adultes plus âgés a révélé que 88 % d’entre eux préféraient vieillir à la maison2. Le fait de vieillir à domicile peut poser des risques; chaque année, environ 5,8 % des adultes plus âgés qui vivent dans la communauté sont victimes de blessures graves à la suite d’une chute6. Chez les personnes atteintes de démence, divers autres risques peuvent survenir, y compris des erreurs de médication, des accidents de cuisine (p. ex. coupures, incendies), des collisions de véhicules motorisés, de la maltraitance et de la négligence7. Ces risques sont plus importants aux premiers stades du déclin cognitif, lorsque les patients exécutent encore des activités instrumentales de la vie quotidienne de plus haut niveau comme préparer les repas, conduire et gérer leur médication8,9. Des interventions multifactorielles et à domicile, notamment une évaluation environnementale, peuvent réduire le risque de chutes10,11.
ApprocheIl y a des tentatives pour se tourner plutôt vers une approche de dignité du risque dans les soins aux aînés, y compris dans l’évaluation et la modification environnementales12. L’approche de la dignité du risque préconise des soins centrés sur la personne en reconnaissant que les expériences de vie comportent le risque d’échecs et que nous devons soutenir les personnes pour qu’elles vivent un ensemble de réussites et d’échecs tout au long de leur vie12. De nombreuses interventions qui réduisent le risque de chutes et de blessures peuvent avoir pour conséquence non intentionnelle de restreindre l’autonomie du patient. Lorsque diverses stratégies d’atténuation des risques sont envisagées, il importe de soupeser l’ampleur de la réduction du risque, que ce soit pour le patient ou pour les autres, en fonction de l’impact sur l’autonomie du patient et de chercher les options qui concordent avec les valeurs et les préférences du patient.
Les risques émergent de l’intersection de facteurs environnementaux, personnels, occupationnels et sociaux. Parmi les facteurs personnels potentiellement pertinents figurent des problèmes sensoriels, la polypharmacie, la mobilité, la fonction intestinale et vésicale, la cognition, des antécédents de chutes, la douleur, l’utilisation de substances illicites et le sommeil. Les facteurs sociaux incluent la situation socioéconomique, le voisinage, les animaux de compagnie, les cohabitants et les soutiens sociaux. L’évaluation et la modification environnementales devraient être effectuées comme 1 des composantes d’une évaluation gériatrique exhaustive qui tient compte de ces autres facteurs.
Idéalement, l’évaluation et la modification environnementales devraient être exécutées par une équipe interdisciplinaire, même si cette option n’est pas toujours aisément accessible. Les membres d’une équipe de soins de santé interdisciplinaires varient, mais peuvent regrouper des médecins, des infirmières, des infirmières praticiennes, des ergothérapeutes, des physiothérapeutes, des travailleurs sociaux et des pharmaciens. Les membres de l’équipe peuvent avoir des rôles différents qui relèvent de leur champ de pratique pour identifier et atténuer les risques des adultes plus âgés vivant dans la communauté. Les résultats d’une évaluation du domicile devraient être réunis avec ceux d’une évaluation gériatrique complète. Par la suite, les décisions au sujet des stratégies d’atténuation devraient être prises en collaboration avec le patient, ses aidants et l’équipe de soins de santé.
Mise en applicationNix et ses collègues présentent une liste complète des facteurs de risque éventuels et des modifications de l’environnement dans le domicile des patients5. Il est important d’effectuer systématiquement l’évaluation environnementale pour assurer que des risques ne passent pas inaperçus. Le clinicien ou l’équipe qui procède à l’évaluation devrait établir une série de stratégies pour temporiser chacun des risques cernés. L’ampleur de chaque risque pour le patient et pour les autres devrait être contrebalancée avec l’impact de la diminution du risque sur l’autonomie du patient. Pour certains risques, la stratégie d’atténuation peut être simple. Par exemple, enlever les tapis dans la maison est une simple intervention qui réduit le risque de trébucher. Si le patient a une connexion sentimentale ou culturelle avec ses tapis, les tapis peuvent être déplacés dans une partie moins dangereuse de la pièce ou pendus au mur comme une tapisserie.
Pour d’autres risques, le choix d’une stratégie est plus compliqué. Chez les patients qui aiment faire une promenade dehors sans être accompagnés, il existe une diversité de stratégies d’atténuation et chaque option implique un compromis. Verrouiller les portes et installer une alarme qui s’active quand les portes s’ouvrent réduisent beaucoup le risque, mais restreignent grandement l’autonomie du patient. Autrement, informer les voisins fiables ou les commerçants du quartier du plaisir qu’a le patient à se promener ou le recours à un dispositif de géolocalisation pour repérer où se trouve le patient réduisent modérément le risque et restreignent modérément l’autonomie du patient. Encourager le patient à apporter des pièces d’identité (p. ex. un bracelet avec son nom, son adresse à la maison et les coordonnées de la personne à contacter en cas d’urgence) et un téléphone cellulaire lorsqu’il va en promenade, de même qu’installer des points de repère sur le devant de la maison pour faciliter sa reconnaissance réduisent minimalement le risque et restreignent minimalement l’autonomie du patient.
Les professionnels de la santé devraient aider les patients à choisir les stratégies d’atténuation du risque qui concordent avec leurs valeurs et leurs préférences. Un risque pourrait être considéré intolérable si : le risque s’est accru en raison de récents changements fonctionnels ou cognitifs; le risque s’est déjà manifesté sous la forme d’un réel préjudice au patient; prendre le risque n’est pas conforme aux valeurs et aux préférences du patient; ou il expose les autres à un risque de préjudice, comme le potentiel d’un incendie ou d’une collision de véhicules13. Si le patient n’a pas la capacité de prendre des décisions sur ses soins personnels, les professionnels des soins de santé devraient aider le mandataire du patient à choisir une option qui convient aux valeurs et aux préférences exprimées antérieurement par le patient14.
Des conseils détaillés5 à prendre en compte durant une évaluation environnementale se trouvent à la Figure 1. Les évaluations devraient inclure un examen des dangers de chutes à l’intérieur et à l’extérieur de la maison, le risque d’incendie, la capacité du patient à réagir aux urgences, y compris l’utilisation de stratégies de communication comme les dispositifs d’alerte ou les téléphones préprogrammés, le risque du patient de se promener sans être accompagné à l’extérieur du domicile. Pour les patients qui vivent avec la démence, les risques associés au fait de sortir sans compagnie doivent être atténués et soupesés avec les risques de restreindre l’accès à l’extérieur.

Figure 1. Approche structurée à l’évaluation et à la modification environnementales
NotesLes Perles gériatriques sont produites de concert avec le Canadian Geriatrics Society Journal of CME, une revue révisée par des pairs publiée par la Société canadienne de gériatrie (http://www.geriatricsjournal.ca). Les articles font la synthèse des données probantes tirées des articles publiés dans la revue Canadian Geriatrics Society Journal of CME et présentent des approches pratiques à l’intention des médecins de famille qui soignent des patients âgés.
FootnotesIntérêts concurrents
Aucun déclaré
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